
A propos de l'oeuvre
Artiste : Archer James Oliver
Œuvre : PORTRAIT DE LA FAMILLE PEACOCK DANS UN PAYSAGE
Prix sur demande
Autres informations
À l’aube du XIXe siècle, la conversation piece, genre particulièrement prisé par l’élite britannique porté à l’excellence par William Hogarth et Johan Joseph Zoffany et brillamment illustré par George Romney, Joshua Reynolds ou George Stubbs, demeurait un défi pour les portraitistes mondains. Il fallait en effet réunir sur la même toile les membres, parfois nombreux, d’une famille, en évitant toute ostentation propre au portrait de cour et toute artificialité. De fait, la raison d’être de la conversation piece réside dans son apparente simplicité, le naturel des attitudes, la spontanéité des mouvements, la sobriété des tenues et le réalisme des décors. Les commanditaires, à la fois modèles et spectateurs, s’attendaient à apparaître tels quels, comme surpris dans leur quotidien, et néanmoins fixés pour l’éternité, dans leur maturité pour certains ou leurs enfance pour d’autres.
Notre toile appartient à ce genre intime par essence, mais, comme le montrent ses dimensions imposantes, ne dédaignant pas une notoriété officielle. Elle fut en effet présentée en 1800 à l’exposition de la Royal Academy, équivalent anglais du Salon parisien, et fut favorablement accueillie par la critique. « Il y a généralement un aspect de vérité dans les portraits de Mr Oliver qui les rend particulièrement ressemblants », notait l’un des visiteurs, tandis que l’autre trouvait que ses portraits étaient non seulement remarquablement ressemblants, mais montraient également « un goût certain dans les attitudes et les personnages ».
Né à Londres en 1774, Archer James Oliver se forma auprès de John Opie et entra comme élève à l’académie royale en 1790. Il participa à l’exposition académique dès l’année suivante avec son autoportrait, puis fut de toutes les manifestations jusqu’en 1841, d’abord presque exclusivement des portraits, dont l’ambitieux Portrait de l’artiste et de sa mère en 1794 (no 304), puis, vers la fin de sa carrière, des natures mortes, des scènes de genre et des tableaux historiques. Il exposait également à la British Institution. La renommée grandissante du portraitiste se manifeste à travers les noms de ses modèles lorsqu’aux artistes et grands bourgeois s’ajoutent, au début du siècle, des militaires et des aristocrates comme le duc de Norfolk, Sir Berkley Guise et l’archidiacre de Londres. Oliver œuvra également à la décoration du château d’Arundel des Howard, en donnant notamment des dessins des vitraux. Certains de ces portraits furent gravés, notamment ceux du ministre Vicesimus Knox, de Robert Morris ou de John Howard, comte de Suffolk. En 1807, l’artiste devint associé de la Royal Academy.
Dans le livret de l’exposition de 1800, notre toile est dite représenter « Mr. and Mrs. Peacock and family ». En dépit des recherches poussées, il n’a pas été possible d’identifier avec certitude les modèles d’Oliver, Peacock étant un nom relativement répandu dans toutes les classes de la société britannique et dans les régions diverses. Nous savons qu’il s’agit d’une famille aisée, capable de supporter la dépense d’un grand portrait et possédant sans doute des terres. Le père de famille paraît relativement jeune, tout comme son épouse, bien que fatiguée par les nombreuses grossesses. Le couple pose en effet entouré de nombreux enfants, deux fils et quatre filles, l’aînée n’ayant pas encore vingt ans et la cadette apprenant à peine à marcher. Ceci exclut James Peacock, important architecte anglais et économiste, né en 1738, et qui devait avoir plus de soixante ans à l’époque où notre portrait avait été réalisé. A contrario, le révérend Daniel Mitford Peacock, prêcheur à Whitehall, était bien trop jeune car né en 1768 et marié en 1798 seulement. On doit également écarter Joseph Peacocke, aristocrate irlandais créé baronet en 1802 dont le fils aîné et successeur, Nathaniel, naquit en 1769. Les renseignements généalogiques manquent pour vérifier une autre hypothèse, celle de Thomas Peacock, riche papetier de Salisbury square à Londres. On sait seulement que son épouse mourut en 1810 et que lui-même fit un testament en 1827. Enfin, un autre Peacock, mort en 1825, détenait, en 1800, l’office d’avocat au General Post-Office de Londres. Son fils, Mark Beauchamp Peacock, né en 1794, en hérita et se fit peindre par l’académicien Thomas Phillips en 1840.
Emplie de sérénité, notre peinture figure la famille Peacock dans un jardin, selon une formule qui s’imposa dans les conversations pieces dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. En 1796, Oliver avait déjà peint le couple Middleton et leur quatre jeunes enfants dans un parc (huile sur toile, 121,9 x 167,6 cm, collection particulière). Dans cette toile, qui pourrait avoir été sa première conversation piece, l’artiste organisa la famille autour du père, représenté debout, la main appuyée sur le dos du banc de son épouse. Ici, Oliver met en avant le fils aîné des Peacock – l’héritier du nom de la fortune –, un jeune homme svelte au seuil de l’âge adulte. Ses parents sont installés ensemble à gauche de la composition, sur un banc. Le deuxième garçon, vêtu d’une redingote rouge, se cale entre eux. Il montre du doigt la petite dernière en train d’effectuer ses premiers pas, soutenue et encouragée par ses trois sœurs plus âgées. Tous portent des vêtements de campagne qui conviennent bien à une promenade par une agréable après-midi d’été. Avec ses souliers à boucles, son haut-de-forme et ses cheveux poudrés, le père fait figure d’exception, rappelant sans doute sa haute position dans la société.
Aucun bâtiment ni manoir ne permet d’identifier le lieu de leur excursion, laissant croire que, plutôt qu’un parc leur appartenant, il s’agit d’un paysage de convention, créé pour harmoniser le portrait de groupe. Car tout ici est un équilibre de masses : la mousseline blanche qui habille les filles et leur mère, la veste du fils aîné et son pantalon sable, le muret coiffé d’arbres et les lointains bleutés avec collines et bord de mer. La palette délicate et éteinte participe de ce sentiment d’harmonie paisible, de bonheur familial sans prétention, d’une douceur de vivre à la campagne. Oliver veut recréer un instant de vie, l’émerveillement devant les progrès d’une petite fille que la mère observe avec tendresse, mais sans surprise, puisqu’il s’agit de son sixième enfant. Il parsème sa toile de petits détails amusants – la corde à sauter, les chapeaux abandonnés par terre, le soulier rouge de la dame qui reste coquette – et travaille d’une touche large et preste, afin de renforcer l’impression d’immédiateté que dégage son œuvre.
A.Z.
Bibliographie de l’œuvre :
Algernon Graves, The Royal Academy : A Complete Dictionary of Contributors from its Foundations in 1769 to 1904, Londres, 1905, vol. VI, p. 8.